Le préfet de la région Languedoc-Roussillon, Pierre de Bousquet a lancé
un cri d’alerte lors de la conférence régionale de prévention des
inondations.
Le préfet de Région, Pierre de Bousquet, a préparé le terrain jeudi, lors de la conférence régionale de prévention des inondations...
Il entend bousculer les esprits et les périmètres dans les mois et les
années qui viennent. Objectif : faire reculer de plusieurs centaines de
mètres les campings et autres équipements touristiques, sur le littoral
languedocien."Tout le monde veut être au bord de la plage"
Et la tâche n’est pas mince : la région compte 200 kilomètres de côtes ! "A Vias, par exemple, ils en sont à mettre des habitations de loisir sur le domaine maritime !, s’agace le préfet. Tout le monde veut être au bord de la plage. Eh bien ce n’est pas possible, et en plus il va falloir reculer de 500 mètres."
Et la mer avance
Ce n’est ni plus ni moins qu’un bouleversement touristique que dessine le préfet, peu sensible aux rafistolages existants : "Chacun fait son truc de son côté, en créant des épis, des enrochements, c’est absurde. La mer passe à droite et à gauche. Et la mer avance, on l’a vu avec le Lido de Sète."
Selon Pierre de Bousquet, seule une démarche radicale peut sauver la région d’une catastrophe. "Ça coûtera moins cher de reculer. Une crue centennale, c’est des milliards de ruines. On ne gagnera pas toujours contre la mer. Il vaut mieux quelques reculs stratégiques, aider à relocaliser les activités. Le coût, sinon, serait bien plus élevé que ces relocalisations. Même si c’est vrai qu’il faut pouvoir répondre à ceux qui nous demanderont de les aider à reconstruire."
La réglementation va être durcie
Pierre de Bousquet annonce aussi la couleur : la réglementation va être durcie. "À La Grande-Motte, par exemple, il y avait au début des garages au pied des immeubles. Et puis ils ont installé des bistrots ou des magasins. Le plan de prévention des risques impose que si un nouveau permis de construire est demandé, pour faire des travaux, pour créer un accès handicapé obligatoire, il faudra remonter de 40 ou 50 centimètres le niveau plancher imposé."
À ceux qui râlent, le préfet compte bien répondre : "Personne ne vous obligeait à transformer un garage en bistrot." Il sait que tout cela n’est pas très populaire... D’abord auprès des Languedociens : "Quand on fait reculer une route, le contribuable se dit “C’est vachement mieux avant, je ne peux plus me garer pour aller à la mer”".
Dans la région : entre 600 000 et un million de personnes vivent en zone inondable
Et auprès des collectivités : "Les prescriptions sur les plans de prévention des risques sont assez durement ressenties dans les communes." Les habitants sont autant "d’électeurs". Et l’enjeu est colossal : selon l’État, "entre 600 000 et un million de personnes vivent en zone inondable en Languedoc-Roussillon".
Pierre de Bousquet veut aussi convaincre le conseil régional de l’urgence : "Elle a privilégié, comme toutes les collectivités, la lutte contre les inondations. Et il y avait énormément de choses à faire. La défense de la mer est, pour elle, une priorité seconde. Ça représente 15 M€ sur les 100 M€ qu’elle a investis entre 2007 et 2013 pour la lutte contre les inondations."
Un appel du pied pour en faire plus ?
La Région, qui avait lourdement investi ces dernières années, a au contraire décidé de revoir à la baisse son financement pour le prochain plan pluriannuel : elle investira 70 M€, au lieu des 100 M€ précédents. Au motif que bien des chantiers ont déjà été engagés.
Mais la Région compte bien batailler pour convaincre gouvernement et Europe de la priorité de la lutte contre les inondations, à défaut de celle de la submersion marine stricto sensu. Christian Bourquin et Pierre de Bousquet veulent inscrire ces actions au prochain contrat de plan Etat-Région, ce qui n’était pas prévu.
"Je vais m’efforcer de desserrer l’étau pour permettre de contractualiser", précise le préfet. Une petite partie de la manne européenne de 1,2 milliard d’euros pourra aussi être utilisée pour ce type de dossiers, à condition de convaincre Bruxelles qui, là non plus, n’a pas fait des inondations une de ses priorités.
L’État pourra toujours lui transmettre le résultat d’un scénario qui évalue à 85 000 le nombre de personnes directement impactées par une crue centennale littorale. Et quitte à faire un peu plus peur encore, citons ce scénario à mille ans réalisé par l’État : 110 000 personnes seraient touchées le long de la Méditerranée en Languedoc-Roussillon.